L’anniversaire d’Emile Peynaud

Le 29 juin prochain, nous célébrerons les 100 ans de la naissance d’Emile Peynaud. Enfin, je dis « nous célébrerons », j’ignore si des célébrations officielles sont prévues, et de toutes façon s’il y en a, je ne m’y rendrai pas, je ne suis rien pour lui. Mais j’aurai une pensée émue et j’ouvrirai sûrement quelque chose. Un grand bordeaux, sans doute, puisque c’est à la qualité de cette région qu’il a le plus œuvré. C’était un grand monsieur de l’œnologie, mais aussi un grand vulgarisateur, et je ne me lasse pas de voir et revoir sur Youtube la vidéo* du jour où il est passé chez Pivot – tout jeune – avec Alexis Lichine. Mais c’est à son ouvrage « Le goût du vin » que je souhait aujourd’hui rendre hommage et justice.

Hommage car il s’agit d’un ouvrage de référence sur la dégustation, complet, clair, d’une modernité intacte trente ans après sa première parution. Treize chapitres progressifs, illustrés sans excès, écrits de son aveu même à plusieurs niveau de façon à rester accessible au béotien sans sacrifier l’exactitude et la rigueur attendues par le professionnel.

Justice parce que j’y ai tout appris. Oh, bien sûr, il m’a fallu des années et des années de pratique pour atteindre en dégustation un niveau tout juste honorable, mais sur le plan de la méthode, du vocabulaire et de l’humilité, « Le goût du vin a été » ma bible, mon vade-mecum et mon livre de chevet. J’y ai puisé mes mots, mon approche et mes doutes. Le feuilletant aujourd’hui de nouveau pour étayer ce post, je me prends à m’y égarer et dois me faire violence pour en sortir !

Je ne possède pas de 1912 dans ma cave : elle est bien trop modeste. Mais je pense pouvoir trouver un 2004 : c’est l’année de son décès…

* : http://www.youtube.com/watch?v=_CENCUEHZCo

« De la couleur au vin », la boutique de Didier

La peinture de Didier

Didier, c’est mon ami. À cinquante ans passés, il a ouvert une boutique de vins à Nantes, place Sainte Anne, sans la moindre expérience du commerce. Avec une bonne expérience du vin, en revanche, et des copains pour le soutenir. Moi, je trouve qu’il faut le faire ! Surtout qu’il n’a pas pris le parti d’un enseigne pour le franchiser, non : il est caviste indépendant ! Il a dû donc tout monter tout seul, son local, ses approvisionnements, son infrastructure… En contrepartie, il s’y prend comme il veut. Il a choisi lui-même le style et la déco de sa boutique, il y accroche les toiles qu’il veut – il est peintre lorsqu’il n’exerce pas une activité lucrative, d’où le nom de sa boutique – et il fait entrer ou sortir les bouteilles qu’il veut de sa liste de références. Tiens, par exemple, il distribue le champagne de François Vauversin, dont je vous ai parlé un peu plus tôt ; mais pas beaucoup de vins de Savoie. Il faut dire qu’au pays du muscadet…

Caviste indépendant, ce n’est pas une sinécure. Il ouvre le samedi et le dimanche matin, et le lundi, bien que la boutique ne soit pas ouverte, il travaille à ses comptes, à ses commandes ou à sa présentation. Des congés, il n’en prend pas souvent, et surtout pas quand les autres sont en vacances : c’est à ce moment qu’ils s’offrent les bouteilles qu’ils ne boivent pas le reste de l’année ! Il y a quelques mois, je suis allé rendre visite à son magasin : ça fait envie ! Évoluer au milieu des flacons, conseiller les indécis qu’un repas sortant de l’ordinaire a conduit à chercher l’accord harmonieux entre l’assiette et le verre, voir revenir un client satisfait que l’on va fidéliser par un petit cadeau, tester un nouveau vin avec son lot de doute et de paris… Mais il faut aussi penser à ce que l’on ne voit pas : payer les factures qui ne cessent d’arriver, peiner à maintenir son chiffre d’affaire sans pour autant dégager de quoi s’octroyer un salaire décent, décharger les livraisons et regarnir les rayons, poireauter derrière son comptoir des après-midi entiers sans une seule visite, ne jamais être disponible quand les autres s’amusent… Il n’empêche. Depuis qu’il a ouvert, je ne vois plus les boutiques de vin de ma ville du même œil, et je ne manque pas de m’y arrêter de temps à autre pour une découverte ou un cadeau. Et à chaque fois, en passant à la caisse, je m’enthousiasme in petto en forme de solidarité : « Allez, vas-y, Didier, ne lâche rien, on est avec toi ! »