Il parait qu’en Italie, c’est commun : une sorte de petite épicerie qui fait en même temps traiteur, boulanger et marchand de vin propose à midi, sur quelques tables installées dans la boutique ou débordant sur le trottoir, un assortiment de plats simples extraits de sa vitrine à l’affamé de passage ou à l’habitué notoire, et cela dans la plus grande simplicité. Ne connaissant pas l’Italie, je ne fais que rapporter des on-dit, mais s’ils se révèlent exacts, quel pays formidable ! Surtout si ces établissements ressemblent à celui qu’un collègue de travail m’a fait découvrir à une portée d’arbalète de mon bureau, à Lyon ; sur le cours Viton : le Via Veneto ! Des assiettes de pâtes agrémentées de différentes garnitures, une carte alléchante et des desserts de première fraîcheur, le déjeuner dans ce minuscule endroit vous remet des pires matinées au bureau !
Mais que vient faire une chronique gastronomique à peine troussée dans un blog de vin, vous demanderez-vous… À cause du lambrusco, pardi ! Lors de ma première visite, j’étais piloté par un collègue – répondant à un patronyme de consonance résolument transalpine – qui me faisait découvrir l’adresse ; mais pas seulement. À peine étions-nous assis de chaque côté d’une table lilliputienne, et tandis que je me tordais le cou pour capturer dans mes prunelles l’insolite spectacle qui s’étalait sous mes yeux, mon commensal avait déjà commandé un pichet de lambrusco, qui était arrivé sur la table avant même que je ne me souvienne depuis combien de temps je n’en avais pas bu. Du Lambrusco ! Un vin rouge pétillant d’Emilie, faiblement titré en alcool et renfermant une bonne part de sucre résiduel, qui se boit bien mieux que du petit lait, ce dernier étant un breuvage plutôt rébarbatif. Ce produit est un vrai régal, et spécialement celui du Via Veneto : très coloré, bien chargé en CO², assez tannique, il n’en présente pas moins la finesse et l’élégance qui vous font y revenir, sans remord puisqu’il ne titre que huit misérables degrés ! J’ai voulu en savoir plus sur le cépage, et j’ai découvert une bien jolie histoire qui caractérise le comportement de cette vitis à l’état sauvage :
Les Romains appelaient les vignes sauvages qui poussaient aux bords (labrum) des champs cultivés (bruscum) labrusca vitis. Avec le temps, le nom s’est transformé en Lambrusco qui se réfère à une famille de vignes, cultivées surtout dans le Nord de l’Italie.
Un rapport avec les vitis labrusca américaines, au goût foxé ? Eu égard à la qualité des vins d’Emile et de Lombardie élaborés avec ce cépage, il s’agit à coup sûr, comme cela arrive fréquemment en matière de vigne, d’un même nom pour deux plantes assez différentes. Sauf pour ce qui est de leur provenance : ce sont toutes les deux des vignes sauvages.