L’autre dimanche, invité pour un repas de famille au bord du lac d’Annecy, je me régalais d’avance de faire découvrir à notre tablée les merveilles viticoles de ce somptueux département, jusqu’à en saliver d’impatience. Arrivé avec un peu d’avance au restaurant retenu par la puissance invitante, je me préoccupais d’entrée de réclamer au maître d’hôtel sa carte des vins, ayant dans l’idée d’offrir à notre compagnie un apéritif à base de vin pétillant local. S’agissant d’un anniversaire, le Champagne s’imposait presque, mais je m’étais fait la réflexion que l’occasion était trop bonne de faire découvrir à une assemblée toute acquise à ma cause une merveille locale : le vin pétillant d’Ayze. Une curiosité confidentielle produite sur trois communes situées à moins de quarante kilomètres de notre point de rendez-vous. Une curiosité car il est élaboré à partir d’un cépage local endémique, le gringet, et confidentielle dans la mesure où il n’en reste que vingt-deux hectares cultivés, autant dire rien ! Peu de producteurs, une surface ridicule, une méthode d’élaboration exigeant, vous imaginez que j’appelais ce nectar de mes vœux avec la dernière impatience…
Mais comment vous décrire ma déception ? À la carte de ce restaurant d’apparence pourtant traditionnelle et de bon aloi, de vin d’Ayze point ! Pas plus que de Ripaille, de Crépy, de Marin ou de Marignan ! Ces merveilles élaborées un peu plus près du lac Léman que l’Ayze, et à base de cépage chasselas, ne sont produites qu’à cent kilomètres de notre auberge. Pourquoi ne les trouve-t-on pas sur la carte ? Qui va les faire découvrir à une clientèle de passage curieuse et bien disposée si ce ne sont les restaurateurs de la région ?
Nous nous sommes rabattus sur le kir royal de consolation, et avons bu du gamay de Chignin avec notre friture. Un pis-aller : pas moyen de se faire servir un gamay de Chautagne légèrement rafraîchi, pourtant promis par une carte de vins par ailleurs bien indigente. Le repas a tout de même été un bon moment, revue de famille et remise à jour de nos fichiers sur les cousins éloignés, mais combien plus somptueux eut-il été si nous avions pu arroser nos agapes d’une jolie petite production locale, aussi inattendue que réjouissante ?