…dans ma première chronique « Souvent amaigri, il ne tient pas la distance, et doit être capté à sa première exhalaison ». Hier, nous étions dimanche et j’avais enfourné un rôti de porc entouré de quelques patates et oignons (pas trop d’oignon, ça rend de l’eau et ça empêche les pommes de terre de griller). Il ne fallait pas rater une des dernières occasions de déjeuner dehors et de sortir un bouteille d’extérieur. Ah oui, une bouteille d’extérieur…? Pour moi – mais c’est très personnel – c’est une bouteille qui saura résister aux conditions d’un service en extérieur : température parfois un peu élevée, vent ou courant d’air, éclairage direct, perturbation de l’attention des convives… Typiquement, l’été, il s’agit d’un petit rosé dans son seau à rafraîchir, jolie couleur, pas de prétention. Mais là, ça méritait mieux. J’ai déniché un Gigondas de Montmirail, 1996, dont le niveau avait un peu baissé. Mauvais signe, d’habitude ; en tout cas, il fallait la boire.
Ce fut une explosion : riche, confiturée, puissante, drapée d’une robe magnifique dans le soleil d’octobre, cette bouteille a enchanté ma table et laissé cois mes convives. Elle n’avait pas pris une ride et portait ses quinze ans comme un étendard, exposant une chair généreuse et une présence écrasante, l’air de me narguer : « Amaigrie, moi ? ».