Produire un guide de vins n’est pas une entreprise facile. Le « Guide des vins de la Vallée du Rhône » dont mon beau-frère est le rédacteur en chef n’échappe pas à cette observation. En revanche, y collaborer lors des dégustations d’évaluation – à l’aveugle, bien sûr - représente un temps fort que je ne louperais sous aucun prétexte. Je vous dresse le tableau : arrivé au point de rendez-vous – chez Yves Cuilleron, au Vineum de Paul Jaboulet ou au restaurant 75 à Avignon, je trouve mon beau-frère déjà en action, l’œil pétillant et la moustache alerte. Le temps de faire la bise et je suis déjà aux commandes d’un tire-bouchon, car il faut ouvrir les deux cent cinquante ou trois cent échantillons qui seront testés ce jour-là ! Collectés en double auprès des viticulteurs participants, ils ont été photographiés la veille pour le guide, puis marqués d’un n° afin de pouvoir être servis à l’aveugle sans s’emmêler les crayons. Pendant ce temps, mes collègues dégustateurs sont arrivés et une dizaine de tables de quatre ont été constituées. Trois mots pour se présenter si les autres participants de la table sont inconnus, et on démarre : par séries de trois vins servis simultanément, on commence par une séquence silencieuse dégustation/prise de notes. Une fois cette étape franchie pour tous, on échange sur les commentaires que l’on a transcrits de façon à proposer une note harmonisée. Argumentation technique, supputation, coup de cœur et parfois contradiction se mêlent, mais toujours avec le plus grand sérieux : nous sommes entrain de juger le travail d’un homme ! Une note commune est négociée, et hop, série suivante ! Je vous jure que quand arrive midi et que vos papilles ont vu passer une soixantaine d’échantillons dont certains d’une tanicité redoutable, la pause-déjeuner est un soulagement. Doublé d’un bon moment car le beau-frère fait bien les choses et les casse-croûtes sont royaux. Comme le gros du travail est terminé – et que l’on a craché toute la matinée – on s’octroie quelques gorgées, conseillés par les collègues des autres tables dont le plaisir est de vous faire confirmer leur coup de cœur. Ca marche à chaque fois, et jamais je n’ai été déçu par une bouteille plébiscitée par mes voisins. Bien entendu, on leur rend la pareille en papotant, des nouvelles de tel vignoble, la météo, le millésime en cours, du mal des absents…
Et le guide devient l’écrin dans lequel vous rangez vos joyaux, non seulement les bouteilles dont vous avez gagné l’estime à la force de vos papilles, mais aussi des bons moments de partage qu’on ne vous prendra plus. Si en complément, cette débauche d’énergie peut vous servir, à vous mes lecteurs, à guider vos achats, alors, je me sens doublement récompensé…