La cuvée de l’EREA

On n’a pas tous les jours l’occasion de faire une bonne action en buvant un coup. Je dirais presque au contraire, avec cette loi sur la mention « à consommer avec modération » qui ne sait que nous culpabiliser et réussit parfois à nous gâcher le plaisir. D’ailleurs, je ne suis pas certain d’être tout à fait blanc dans ce blog dans la mesure où on pourrait me reprocher de faire l’apologie de la boisson alcoolisée sans en souligner les dangers comme la loi nous y contraint. Bref, quand une telle occasion se présente, on la saisit aux cheveux.

Il s’agit d’une initiative de mon frère : enseignant dans un EREA*, il peine à financer un voyage annuel pour ses gosses qui n’ont jamais vu grand-chose d’autre que les banlieues de leur petite ville de province. Il gratte un peu d’argent au Conseil Général, à la Mairie, à l’Education Nationale, et doit compléter à partir du budget du foyer socio-éducatif. Qui n’a pas un rond, of course. Alors il a trouvé ce moyen : un de ses copains viticulteur à Saint Baldoph lui prépare un lot de bouteilles de vins de Savoie à prix très serré, avec bouchon et capsule, charge au frangin de réaliser l’étiquette et de l’apposer sur les bouteilles. Puis de vendre. Un petit bénef pour le foyer, et vous touchez un Apremont carbonique gorgé de jacquère à cinq euros la bouteille par cartons de six. Une mondeuse fruité et souple – le contraire de sa cousine d’Arbin structurée et tannique – à six euros. Il s’agit du vin de Christophe et Bernard Richel, à Saint Baldoph, en appellation « Vin de Savoie ». Ce qu’on fait de mieux dans le genre sur ce flanc de montagne en dessous du col du Granier. Évidemment, vous trouverez ce produit chez eux. Je dirai même que vous ne le trouverez plus que là, parce que le frangin, il n’en a plus ! Tout est parti en six semaines, y compris la recette puisque cette année, il a organisé un voyage en Camargue dès la rentrée des vacances de Pâques…

Moi, je l’aide comme je peux à en écouler, mais ma grande fierté cette année, ça a été d’en vendre un carton de douze à un directeur d’EREA à la retraite !

 * Les établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA) sont des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Leur mission est de prendre en charge des adolescents en grande difficulté scolaire et sociale, ou présentant un handicap.

Voyons un peu les blancs de Savoie

Didier Poloni ne propose pas que de la molette, il fait des Roussettes délicieuses. Des Roussettes ? Oui, bien que situé à Corbonod, dans l’Ain, il produit des blancs de la familles des vins de Savoie. « Des » Roussettes ? Naturellement, ça ne peut pas être simple. Avec le cépage altesse, on peut élaborer de la Roussette « AOC Roussette de Savoie ». Depuis 1998, on ne peut plus l’assembler au chardonnay, elle doit être constituée de 100% d’altesse. J’imagine que l’on peut toujours faire des assemblages altesse-chardonnay, mais on n’a alors plus droit qu’à l’appellation « Vin de Savoie », moins porteuse. Ensuite, selon le terroir sur lequel la vigne pousse, on trouve quatre crus, Marestel et Monthoux dans le nord du département de la Savoie, Monterminod dans la banlieue Sud-Est de Chambéry, et Frangy, situé en Haute-Savoie. Mais ce n’est pas tout. Le terroir de Seyssel, à cheval sur l’Ain et la Haute-Savoie, dispose de sa propre appellation « Seyssel » qui est aussi une Roussette. Vous avez donc pour résumer, en 100% altesse, de la Roussette « normale », de la Roussette avec un nom de cru, et du Seyssel. Et en assemblage, du « Vin de Savoie » comportant une part d’altesse. Ouf !

Mais la Roussette, ce n’est pas fait avec de la roussane ?  Ah non, la roussane, c’est un raisin originaire de la vallée du Rhône et le cépage du Chignin-Bergeron. On n’en trouve que sur la commune de Chignin, à vingt kilomètres au sud de Chambéry. Ah, c’est du vin de Chignin, alors ? Non, le vin de Savoie cru « Chignin » est fait avec de la jacquère, comme ses cousins d’Apremont, de Myans et des Abymes… Un vin vif, frais, perlant, rien à voir avec le train de sénateur du Bergeron.

Eh bien pour un petit vignoble, que de complication ! Heureusement, vous diront les béotiens, l’Europe veille et a mis de l’ordre dans tout cela avec les IGP (Indication Géographique Protégée) et les AOP (Appellation d’Origine Protégée). Mais ne comptez pas sur moi pour vous en expliquer le détail !